L'esprit des lois...

Publié le par Ytsejam

Il semblerait que la nuit ne porta point conseil et que polémiques et autres billevesées continuent de diviser la France au sujet de cette douloureuse qualification. A un tel point que j’en viens vraiment à me demander si M. Ménès et d’autres non pas raison de parler d’un soi-disant particularisme français qui placerait le panache au dessus du résultat. Je suis à présent plus que persuadé que dans aucun autre pays au monde le fait de voir l’équipe nationale parvenir à se qualifier sur une action litigieuse aurait provoqué autant de commentaires pour regretter l’évènement…

L’histoire de notre beau pays, ou tout du moins celle qui nous est présentée dans les manuels scolaires, est riche en anecdotes mettant en exergue cette vertu qu’on appelle l’honneur et au nom de laquelle tant de crimes furent commis. Parce que l’Honneur, a tout prendre qu’est-ce ? De proposer aux Anglais de tirer les premiers ? Que la Garde meurt plutôt que de se rendre ? De faire donner la cavalerie lourde pour ne pas laisser la journée à la piétaille ? D’arborer des pantalons rouges du plus bel effet pour mieux offrir son corps aux balles ennemies ? Tous événements comptés comme des hauts faits tout stupides qu’ils soient.

Point de cela me direz-vous…Que nenni...et d’évoquer avec lyrisme et la main sur le cœur l’idéal d’un comportement irréprochable qui voudrait que l’on use que de moyens purs et honnêtes pour parvenir à nos fins. Bel et inattaquable anthem s’il en est ! Mais propos de spectateurs avant tout ! Propos de qui pense le sport comme un spectacle, une sorte de ballet des corps mis en scène pour amuser les foules. Et pourquoi pas ? Loin de moi l’idée de critiquer ceux qui s’en viennent dans les stades comme ils iraient au théâtre…

Mais la pratique est un peu autre…et quoi que l’on en dise, le sport, et particulièrement les sports dits collectifs, sont avant tout une opposition. Une confrontation codifiée et réglementée entre deux équipes tendues vers un même but, celui de l’emporter. En cela, le premier respect que l’on doit à l’adversaire n’est-il pas de tout faire pour le surpasser ? Surtout, lorsque joueur vous entrez sur le pré, même dans le cadre d’un amateurisme bon teint,  vous êtes concentré, fixé sur un seul objectif celui de mettre vos talents au service de votre équipe de sorte que la somme de vos efforts produisent l’effet escompté : vaincre. D’aussi loin que je me rappelle je ne suis entré sur un terrain en me disant que j’allais m’élancer dans des courses aériennes, ballon serré contre le cœur et cheveux au vent, ni que j’allais m’appliquer à délivrer des modèles de plaquages…non, mon seul et unique but était de tout faire pour aider mon équipe à l’emporter.

Surtout, jamais au grand jamais je n’ai stoppé ma course pour avoir reçu un ballon légèrement en avant ou mis un bout de chaussure en touche…Je n’en tirais aucune fierté particulière mais guère plus de honte…c’était dans le jeu…et oui, l’arbitre est là pour ca…

Mais au-delà de ses notions chevaleresques ou Machiavéliques, il est plus que temps de revenir au fond du problème et de l’aborder sous l’angle froid de la pure analyse technique.

Plus que d’être l’opium du peuple le sport est une allégorie de la vie. Une représentation où l’idée de performance est accentuée par le décompte des points, où l’effort produit des fruits immédiatement consommables, où l’esprit collectif n’est pas la négation de l’individu mais sa sublimation…le tout dans un ensemble de règles que l’on pensa bon d’édicter…certaines d’entre elles n’ayant point d’autres but qu’accroitre l’intérêt du jeu lui-même. Tout au moins dans l’esprit de ceux qui les ont mises en place. Il en est ainsi de la règle du hors-jeu dans le football, ou, dans le cas d’espèce de l’interdiction faite aux joueurs de champs de faire usage de leurs mains pour contrôler le ballon…Se sont en quelques sorte des règles de bonne conduite que je différencierais de celles qui prohibent le tacle au genou ou le coup de coude à la face qui elles visent à protéger l’intégrité des joueurs. Je dirais d’ailleurs en cela que ces règles (que les instances vont jusqu’à appelée des Lois !!!!) ne sont en fait rien de plus que des rituels…voir des rites…rapprochant le sport actuel de ses origines éminemment religieuses.

Ainsi, dans le sport en général et le football pour le cas qui nous occupe, il s’agit non seulement de faire mieux que l’adversaire mais de le faire en respectant un certain rituel. Rituel qui, par essence n’a rien de naturel. Et donc, sauf à couper les bras des footballeurs au ras des épaules, il n’y a point d’autres possibilités que de rajouter une troisième entité aux deux équipes qui en décousent : l’arbitre. Dès lors, plus que l’interdiction même de l’usage des mains, c’est avant tout le fait que cet usage soit détecté ou nom par l’arbitre qui devient important. Qu’on le veuille ou non, le fait même de confier la direction du jeu aux hommes en noir dédouane les joueurs d’une partie de leur responsabilité et leur offre la possibilité d’enfreindre les rites sans vergogne, ou tout au moins sans avoir à signaler eu même l’entorse faite à la règle.

Enfin, pour les tenant de la loi, pour ceux qui prétendent qu’une entorse au règle quelle qu’elle soit mérite une juste sanction je dirais que cette approche répressive impose par essence le respect de l’ensemble des règles. Or, qu’on le veuille ou non, une des règles fondamentales dans le football est la souveraineté des décisions ou des indécisions du corps arbitrales réputé infaillible dans ses jugements. Et donc, faire fi de cela en demandant l’invalidation a posteriori d’une décision arbitrale toute erronée qu’elle fut constitue également une infraction caractérisée aux règles.

Ceci ayant été exposé et la main en question consommée, que peut-on faire concrètement :

1 – Rien. Le match est fini. La France participe à la CDM et l’Irlande reste à la maison. OUI. Quoi qu’on en dise c’est la solution la plus conforme aux règles en vigueur.

2 – La Fédération Irlandaise demande que le match soit rejoué. NON. D’une part c’est un dénie des règlements de la FiFa et d’autre part cela obligerait à l’avenir la même fédération à rejouer tout match remporté par son équipe sur une décision arbitrale contestable.

3 – La Fédération Française propose de rejouer le match. OUI. C’est une possibilité. Clairement non conforme au règlement mais acceptable dans l’esprit.

4 – La FiFa décide d’elle-même de se saisir du dossier et demande de faire rejouer le match. NON. Complètement impossible dans le sens où elle contreviendrait ainsi à ses propres règles. Règles qu’elle peut changer mais le principe de non rétroactivité s’appliquerait alors.

5 – On disqualifie la France au profit de l’Irlande : NON. D’une par si le but en question à qualifié la France il n’a pas déqualifié l’Irlande puisqu’au moment de l’infraction les deux équipes étaient à égalité. D’autre part parce qu’aucun règlement en vigueur ne le permet.

En conclusion donc, le sens commun et un débat dépassionné démontrent que l’EDF à acquis sa qualification conformément à l’esprit des lois du football à défaut de l’avoir fait dans l’esprit des idéaux de la bonne morale, et en ce sens à légitimement sa place en AfS. Qu’une envie de Panache, une certaine idée de l’Honneur, ou tout ce que vous voudrez en rapport avec des notions aussi admirables qu’empiriques, conduisent la FFF à demander que le match soit rejouer est possible mais serait alors l’expression d’une rare exception et absolument pas la norme.

Publié dans Football

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